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Le gouvernement a prêté 7 milliards d’euros à Air France pour affronter la crise du coronavirus. Or, le secteur aérien représente 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondial, et si rien n’est fait, elles devraient tripler d’ici 2050. Imaginons que celui-ci voit son expansion stoppée, ne bénéficie plus des cadeaux fiscaux et financiers des États, tandis que d’autres formes de voyages, accessibles à tou·tes, sont réinventées.

Texte – Didier Lestrade

Illustration – Samuel Smith

Et si on arrêtait de prendre l’avion?

L’épidémie de Covid-19 a provoqué l’arrêt de pans entiers de l’économie et particulièrement les voyages. En 2020, l’été et les vacances ne seront pas comme les autres. L’industrie aéronautique pourrait ne pas s’en remettre avant au moins deux ans, et des milliards seront nécessaires pour relancer un secteur industriel particulièrement polluant. 

On a beaucoup parlé dans les médias de la honte du vol (« flygskam » en suédois), à un moment où les populations réalisent les dégâts causés par ces voyages de loisir. Le respect de la nature est en totale contradiction avec la visite, au hasard, des temples d’Angkor au Cambodge. Les touristes ne découvrent plus ces destinations, ils ne les regardent pas vraiment, ils font des selfies. Et on peut se demander si le tourisme alternatif de découverte n’est pas encore plus pervers : arrêtons d’aller faire chier les populations amérindiennes en Amazonie ou ailleurs ! Ce nouvel impérialisme du loisir est plus que jamais un signe de prestige et d’égoïsme.

La pandémie actuelle renouvelle avec urgence le débat sur la décroissance. Il y a 13 ans déjà, j’ai sorti un livre sur mon départ de Paris et les années de solitude qui ont suivi mon installation à la campagne. En analysant les principes de David Henry Thoreau, j’essayais d’encourager une autre manière de vivre pour les gays, avec moins de consumérisme, qu’il soit sexuel ou matériel. Cheikh, journal de campagne (Flammarion 2007) fut un échec littéraire. J’espérais convaincre une partie de ma communauté en faisant un pont entre écologie et sexualité, comme l’avait fait Gabriel Rotello et son livre Sexual Ecology (Dutton, 1997).

« J’ai vite réalisé que je trouvais du plaisir à ne plus dépenser mon argent pour acquérir les choses obligées qu’un citadin se doit d’avoir. Étrangement, j’éprouvais même une certaine fierté à ne rien dépenser pendant un mois, voire plus. […] Finalement, j’ai décidé de gagner moins d’argent. Et en l’espace de quatre ans, de gré ou de force, je suis parvenu à réduire mes revenus et à payer moins d’impôts. L’autarcie me tentait. Vivre avec le minimum, tout en chassant de mon esprit la frustration de ne pas avoir ce que les autres possèdent, quelle idée intéressante. […] Alors, je suis parti de la capitale vivre dans un minuscule village de Normandie. […] J’ai réalisé mon rêve : travailler moins pour me consacrer à une passion un peu incomprise, sûrement incongrue, la nature. » 

Aujourd’hui, j’ai 62 ans et je suis au chômage depuis 12 ans. Finalement, j’ai fini par accepter l’impossibilité financière de voyager comme un soulagement. Je ne visiterai donc pas certains pays avant de mourir. Je ne verrai pas les baobabs à Madagascar, ni les collines de graminées en Nouvelle-Zélande, ni les hommes du Brésil. C’est un sacrifice, peut-être facile car je vis seul et sans enfant. Mais je préfère me consacrer à ce qui m’entoure et transformer mon terrain en refuge écologique.

Samuel Smith est un artiste de développement visuel basé à Lille. Spécialisé dans la création de décors et d’ambiances colorées pour le cinéma d’animation, il a travaillé pour plusieurs studios tels que SPA studios, Illumination, Dreamworks TV, The Line, PsyOp, Nexus…

instagram.com/samuelsmith.art

Didier Lestrade est journaliste et écrivain, co-fondateur d’Act Up-Paris et du magazine Têtu.

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