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Imaginons que chacun·e puisse aiguiser son esprit critique et s’informer en ayant accès à une information de qualité, plurielle, et indépendante de la logique du marché…

Texte – Daniel Schneidermann

Illustration – Cyril Pedrosa

Et si on profitait de la période pour informer le mieux possible le plus grand nombre possible ? Bonne question, merci de l’avoir posée, Alternatiba ! Mais il faut être un peu réaliste, ou alors rêver total ? Les deux, chef. Rêver, mais réaliste, tu vois le concept ? Et donc en 500 mots, tant qu’à faire. Alternatiba, quoi.

Alors oui, j’ai ma solution. Pour le plus grand nombre, je veux dire (je mets à part mon écosystème personnel de medias libres et de réseaux sociaux, dans lequel je m’ébroue depuis dix ans).

Première chose, se débarrasser des medias privés. OK. Sans violence si possible (éviter de refaire l’URSS). Mon idée ? Une loi, avec article unique : la détention d’un media audiovisuel ne rapportera plus rien. Au dessus du strict retour sur investissement, l’Etat prend tout. Pas compatible avec l’Europe ? Mais on envoie bouler l’Europe. On est dans le Plus jamais ça, oui ou non ? D’ailleurs, tant qu’à rêver, et si tous les pays d’Europe faisaient la même chose ?

Logiquement, Bouygues, Bolloré, Drahi et les autres se précipitent pour revendre leurs télés et leurs radios. Mais comme ça ne vaut plus rien – d’autant que cette loi est votée dans un contexte de dépression mondiale – ils revendent à perte. Et même, ils paient les repreneurs. Pas possible ? Si ! Regardez le pétrole ! Ils revendent donc à des collectifs de citoyens. Ou alors, parce que les « collectifs de citoyens » n’ont ni l’envie, ni le temps, de présenter le 20 Heures tous les soirs, à l’État.

Ensuite, dans une seconde loi (tchac tchac), on supprime les services politiques, dans tous les medias. J’entends, les journalistes qui n’ont pour fonction que de s’intéresser à la classe dirigeante (prototypes, Alain Duhamel, Dominique Seux et Christophe Barbier). Et quoi ? Les mines de sel ? Remplacés par des « citoyens » ? Pas du tout. On les reconvertit dans les différentes rubriques détaillées dans cette brochure (habitat, travail, consommation, tourisme, etc). Tu envoies Duhamel sur les Ehpads d’Ardèche (poste basé à l’Ehpad des Tilleuls de Montpezat-sous-Bauzon), Seux sur la relocaliation de la fabrication de masques, et Barbier sur la santé dans le Grand Est. L’information qu’ils produiront sera mécaniquement plus intéressante. Et le grand public ne sera pas sevré de ses visages familiers préférés. Win win.

Oui, mais le grand public, justement ? Oui mais l’immense majorité de ceux que ça n’intéresse pas, qui ne veulent pas entendre parler de vraies solutions, à la crise climatique, par exemple ? Ah ah, j’ai mon arme secrète : la ruse. Pour intéresser les gens, tous les moyens sont bons, même les déloyaux : des jeux, des concours, de la téléréalité, tout ce qu’on veut. La convention citoyenne tous les soirs, mais sous forme d’une téléréalité, doublée d’un concours. La meilleure suggestion, la plus plébiscitée chaque samedi soir par le public, gagne une enveloppe de mille euros de rénovation thermique. La soirée est présentée par Drucker, pour les vieux, ou par Hanouna, pour les autres. Avec des pom-pom girls et des pom-pom boys s’il faut. On n’est pas contre l’objectif de distraire. On réinvente le service public.

C’est impossible ? Peut-être, mais les avions à l’arrêt, la fin du tourisme de masse, l’enterrement sans fleurs ni couronnes des 3 % de déficit, c’était impossible aussi. La leçon de ces dernières semaines, c’est que l’impossible est possible. Je rêve ? Oui, mais réaliste : c’est bien le concept, non ?

Diplômé de l’école des Gobelins, Cyril Pedrosa débute dans l’animation chez Disney puis devient un des auteurs phare de la bande-dessinée française. Son dernier ouvrage publié, L’Âge d’or, co-écrit avec Roxanne Moreil, a reçu le prix BD Fnac-France Inter en 2019.

instagram.com/cyril.pedrosa

Daniel Schneidermann est spécialisé dans l’observation critique des médias, sur le site indépendant Arrêt sur images, qu’il a fondé en 2007. Il est aussi chroniqueur sur le même sujet à Libération (chaque lundi).

arretsurimages.net

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