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Tous les grands acquis sociaux ont été gagnés parce qu’un jour, des femmes et des hommes ont osé s’opposer à des lois injustes et lutter pour de nouveaux droits. Résister permet d’empêcher des projets nocifs de voir le jour, de changer les règles à toutes les échelles, pour construire un monde juste, soutenable, équitable. Imaginons tous les changements que nous pourrions obtenir si nous étions des millions à résister…

Texte – Fanny Delahalle

Illustration – Jade Khoo

Et si désobéir était reconnu d’intérêt général ?

Aujourd’hui désobéir pour l’avenir, c’est prendre de gros risques personnels ; détruire l’avenir, c’est n’en prendre aucun.

Lanceurs d’alerte condamnés, pollueurs impunis : en ces temps de crises sanitaire et climatique, ne serait-il pas le moment d’inverser l’ordre des choses ? D’apprécier notre société, nos représentant·es politiques, nos entreprises, nos concitoyen·nes et leurs actes au regard de l’intérêt général ?

La crise sanitaire actuelle n’est malheureusement que la bande-annonce de la crise climatique qui s’amorce. Cependant notre société n’intègre que très peu cette réalité. Le gouvernement préfère écouter les lobbys industriels plutôt que les alertes des scientifiques. Les grandes entreprises choisissent de suivre le portefeuille de leurs actionnaires et non les conseils des ONG. Notre système politique condamne des citoyen·nes qui se battent pour dénoncer ces mauvais choix au lieu de sanctionner ceux et celles qui nous privent de futur. Toute une logique à revoir à l’aune de ce défi climatique, le plus grand que l’humanité n’ait jamais eu à relever.

J’ai personnellement fait le choix de la désobéissance civile pour lutter contre ce système qui marche sur la tête. Désobéir pour mettre un coup de projecteur sur des situations inacceptables quand les pétitions ou les manifestations ne suffisent pas. Désobéir comme un acte citoyen pour éveiller les consciences. Ce choix n’est cependant pas des plus faciles à assumer : garde à vue, perquisition, procès, condamnation, médiatisation, etc. La vie d’activiste non-violente n’est sûrement pas des plus rêvées.

Pourtant les choses pourraient être bien différentes. Rêvons justement quelques instants aux lendemains de crise, à ce monde d’après.

Imaginons une justice qui fonde son jugement non pas uniquement sur l’infraction commise mais également sur la notion d’intérêt général. Imaginons un peuple qui soutient et rejoint massivement les hommes et les femmes qui agissent et désobéissent pour changer des lois injustes, pour dénoncer et mettre en lumière l’intolérable. Braver la loi pour le bien commun revêtirait alors une tout autre dimension et créerait bien des vocations. Grâce à la force du collectif, obtenir de grandes victoires, déclencher des changements systémiques, recréer un futur enviable se conjugueraient au présent.

En parallèle, visualisons un monde où les entreprises et les gouvernements pourraient être jugés et condamnés dès lors qu’ils iraient à l’encontre de l’intérêt général. Ne pas respecter les accords de la COP21, diminuer année après année les ressources de l’hôpital public, financer des projets d’extraction d’énergies fossiles : autant d’aberrations alors menacées de prendre le chemin des tribunaux. Un changement de perspective certain pour ces acteurs qui aujourd’hui se fichent de notre avenir, ne se préoccupant que de leur présent. Un choix à faire entre changer de logiciel ou se voir relégué au banc des accusés.

Il existe aujourd’hui des personnes courageuses qui osent assumer cette voie à contre-courant. Comme ce juge qui m’a relaxée en première instance, peut-être au prix de sa carrière ou de sa réputation. Pourtant, lutter pour l’intérêt général ne devrait pas relever du courage mais simplement du bon sens. Et l’être humain ne manque pas de bon sens, mais juste d’une société qui le soutient quand il décide de braver les interdits pour provoquer le changement.

Alors… et si, nous, citoyen·nes, magistrat·es, hommes et femmes politiques, chef·fes d’entreprise, changions de référentiel, et faisions de l’intérêt général notre critère premier ? Et si nous résistions ensemble face au monde d’avant pour construire celui d’après ?

« Avec des si, on refait le monde »… et si ce n’était pas juste un rêve mais bien la recette d’un monde meilleur ?

Jade Khoo est étudiante à l’école des Gobelins en cinéma d’animation. Ses décors détaillés et ses courtes bandes dessinées témoignent de son attachement à la nature, à la protection de la vie animale et notamment des oiseaux.

instagram.com/k0j4d_du_77

Fanny Delahalle, activiste climat du mouvement Action Non-Violente COP21, est parmi les premières à avoir décroché un portrait officiel d’Emmanuel Macron, en février 2019 à Lyon, pour dénoncer l’inaction climatique du gouvernement français. Relaxée en première instance au motif de l’état de nécessité, puis condamnée en appel, elle est en attente d’un troisième procès en cassation.

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