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Les politiques de confinement ont exacerbé les inégalités sociales entre celles et ceux qui se sont réfugié·es dans leurs maisons secondaires et celles et ceux qui ont dû se serrer dans des logements exigus, vétustes et parfois insalubres. Imaginons qu’il n’y ait pas besoin d’être issu·e de la classe sociale dirigeante pour reprendre en main les décisions concernant son logement, son quartier, son territoire, et que nous construisions une société basée sur l’égalité.

Texte – Yazid Kherfi

Illustration – Merwan Chabane

Et si les caïds des villes n’avaient plus peur des araignées de la campagne, si les riches des beaux quartiers ne se méfiaient plus des quartiers pauvres et si la police reprenait son rôle de gardien de la paix ? En effet, pour aller vers la paix, ce n’est pas avec ses amis qu’il faut dialoguer mais avec « ses ennemis », disait Mandela. Alors parlons-nous vraiment. Jeunes et adultes, riches et pauvres, détenus et libres, villes et campagnes, filles et garçons, quartiers et police. Relions ces mondes que seuls opposent aujourd’hui les préjugés et l’ignorance. Averroès disait si justement : « L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence ».

Imaginons que nous soyons capables de revoir notre capacité à vivre ensemble. Imaginons que la police soit là pour protéger, et non pour semer la peur et la haine. Imaginons que la justice soit là pour rappeler les règles qui s’appliquent à tous, et non pour sanctionner les plus pauvres, ceux qu’elle ne connaît pas, tandis qu’elle laisse des grands bandits comme Balkany ou Sarkozy échapper à la prison. Parlons-en, de la prison. Imaginons qu’au lieu d’être la norme, l’enfermement soit l’exception. Qu’au lieu de mettre les gens derrière les barreaux, on leur rappelle qu’ils peuvent se rendre utiles, et on cherchera alors à faire grandir leurs qualités, au lieu d’attiser leurs défauts. Qu’obtiendrait-on d’un enfant qu’on tape à chaque fois qu’il fait une bêtise ? Rien, si ce n’est de la haine. Cessons de juger aveuglement et d’enfermer à tout-va, car personne n’est dépourvu de la capacité d’être meilleur, sauf si les seuls encouragements qu’il reçoit sont des insultes, des injures et des « tu n’y arriveras pas ».

Dans les crises, on cherche toujours un bouc émissaire. Plus simple de se tourner vers celui qu’on ne connaît pas. L’étranger, l’immigré, le pauvre. Imaginons que nous ne tombions pas dans ce piège et qu’au lieu de ça, on essaie de se comprendre, au-delà des préjugés. Prenons le temps de nous écouter vraiment. De proposer au caïd du quartier, craint de tous mais qui a peur d’une araignée, d’aller voir à la campagne à quoi ressemble la vie loin du béton des quartiers. Partageons les espaces vides ! Réapprenons le goût de travailler la terre pour sortir des usines ! Savourons de nouveau la fierté d’être utile !

Tant qu’on y est, changeons les règles de l’Assemblée nationale… Imaginons qu’au lieu de n’élire que des représentants des partis politiques (qui nous divise au lieu de nous rassembler), on choisisse aussi les gens en fonction de leurs domaines de compétence. Les jeunes des quartiers, comme les femmes, les personnes âgées, les ouvriers, les gens de la campagne et bien d’autres, qui ont sur le fonctionnement du monde des choses à dire tout aussi pertinentes que les partis. Les écouter, c’est commencer à se rendre compte qu’il suffit de redonner la parole aux gens pour qu’ils aient envie de se demander comment on fait pour améliorer la vie ensemble.

Pour faire tomber les préjugés et apprendre à mieux vivre et travailler ensemble, levons une armée de guerriers non-violents : non-violents car la violence ne résout rien, guerriers, parce qu’il ne faut pas cesser de lutter.

Merwan Chabane est réalisateur de films d’animation, dessinateur et scénariste de bande dessinée. Il a étudié à l’école des Gobelins et est diplômé de l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Il aime qualifier sa dernière BD Mécanique céleste de « pop post-apo ».

instagram.com/merwan.chabane

Texte issu d’un entretien avec Yazid Kherfi.
Après 15 années de délinquance, 4 années de cavale et 5 de prison, Yazid Kherfi est aujourd’hui enseignant à l’université. Avec son association Médiation nomade, il parcourt le territoire pour créer du lien entre des mondes qui ne se parlent plus et qui parfois se méprisent mutuellement, et faire tomber les préjugés. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Guerrier non-violent et Repris de justesse aux éditions La Découverte.

mediationnomade.fr

Pistes d’actions proposées par Alternatiba

  • Je soutiens le projet Médiation Nomade, qui ouvre des espaces de dialogue et de rencontres pour favoriser les liens entre les gens dans les villes et quartiers populaires
  • Je lis le Bondy Blog, média d’actu vu de banlieue, pour changer de regard
  • Je m’informe et je fais un don au collectif Justice pour Adama