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La pandémie du coronavirus nous montre comment notre comportement destructeur envers les écosystèmes et la biodiversité finit par se retourner contre nous, en l’occurrence en permettant la transmission de nouvelles maladies de l’animal à l’homme et leur propagation incontrôlée. Imaginons que nous repensions à la fois notre rapport à la nature et notre rapport à la santé au niveau mondial…

Texte – Kévin Jean

Illustration – Margo Roquelaure

Et si, au lieu de courir, trop souvent avec un temps de retard, après des remèdes ou des cures aux catastrophes et épidémies qui se multiplient, nous nous efforcions un peu plus de combattre ces maux à leur source ? Si, plutôt que de nous agiter comme des matelots échevelés à écoper à bord d’un navire prenant l’eau, nous prenions le temps de lever la tête afin d’identifier les brèches pour mieux les colmater ? En d’autres termes, si, au lieu d’une vision de la santé reposant très largement sur des approches curatives et biomédicales, nous tâchions d’aller aux racines sociales et environnementales des maladies pour concevoir des approches préventives ? Et si, demain, nous adoptions enfin le paradigme de la santé planétaire.

Cela implique en premier lieu de prendre conscience que toutes les perturbations que les activités humaines causent aux équilibres planétaires nous reviennent au visage par un formidable retour de manivelle, et ce plus rapidement que nous ne voulons le voir. Brûler des combustibles fossiles ou des arpents de forêt primaire augmente fortement le risque d’aléas météorologiques plus intenses et plus fréquents, et se paie dès aujourd’hui par un fardeau accru des maladies cardiovasculaires ou respiratoires.

L’agriculture intensive et l’empiètement humain sur les habitats sauvages ont des conséquences sur les écosystèmes et le vivant, qui sont contraints de céder le pas. Mais nous en faisons également les frais via la recrudescence de maladies qu’on pensait maîtrisées ou via l’émergence de pathogènes nouveaux – et nous le réalisons bien cruellement actuellement. La modification de la chimie de l’atmosphère, par la hausse des concentrations de gaz à effet de serre issus là encore des énergies fossiles et de l’agriculture intensive, nous rapproche d’un horizon climatique incertain, et affecte dès aujourd’hui non seulement la quantité des récoltes mais aussi leur qualité nutritionnelle.

Une vision planétaire de la santé implique également de prendre conscience que les choix de collectifs humains, en matière de consommation, de production d’énergie ou encore de régime alimentaire, affectent les systèmes naturels de la planète, et, en conséquence, la santé et le bien-être de tou·tes ses habitant·es. Et de reconnaître qu’il y a généralement un contraste marqué entre celles et ceux qui tirent les bénéfices de ces perturbations, en termes de confort, de bien-être ou de profit, et celles et ceux qui vont en payer le prix sanitaire et environnemental. Ici, l’urgence de santé publique se double donc d’un impératif moral.

En somme, être à la hauteur des enjeux planétaires implique de voir la préservation de la santé et celle de l’environnement comme deux causes indissociables, toutes deux reliées par des impératifs de justice sociale et climatique. Cela nécessite de décloisonner les formations et l’action publique : notre santé dépend autant des médecins et infirmier·ères que des agronomes, des écologues ou des spécialistes de l’aménagement du territoire. Cela requiert enfin de revoir notre définition de la prospérité pour y intégrer la préservation des écosystèmes et le souci d’équité.

Diplômée de l’école des Gobelins, Margo travaille dans le cinéma d’animation en tant que character designer et concept artist. Elle développe aussi des projets de courts-métrages pendant son temps libre.

margoroquelaure.tumblr.com

Kévin Jean est enseignant-chercheur en épidémiologie et s’intéresse entre autres aux stratégies de prévention des maladies infectieuses. Il est également président de l’association Sciences citoyennes, qui œuvre à une appropriation démocratique des sciences afin de les mettre au service du bien commun.

sciencescitoyennes.org

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