Une autre société est possible, on la construit ensemble ?

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Imaginons que, dès l’enfance, nous ayons tou·tes les mêmes chances de nous épanouir, de faire nos choix, que nous nous construisions au sein de sociétés qui nous reconnaitraient comme des acteurs et actrices à part entière et nous donneraient les moyens de l’accomplissement de soi et de la construction collective.

Texte – Marie Desplechin

Illustration – Serge Bloch

Et si tu n’y retournais pas ? On pourrait continuer comme ça quelques semaines, ou quelques mois. Quelques années. Toute la vie même. Il me semble déjà que tu as changé. Tu ne demandes pas encore de toi-même à t’y mettre, mais tu ne te fâches plus quand on te le propose. C’est peut-être que tu as moins peur. C’était la peur, n’est-ce pas ? C’est fini. Personne n’essaiera de te piéger, de débusquer ce qui te manque. Personne ne voudra plus t’humilier, en affichant publiquement que tu ne suffis pas, que tu es sotte, en retard, à côté, déficiente, inférieure. Regarde tes notes. Regarde ce qu’elles te disent. Que tu es en train d’apprendre, et qu’elles en sont fières. Une part de cette fierté rejaillit sur toi et t’illumine.

Tu as vu qu’ils ont abandonné cette manie de mettre des zéros ? Leurs notes ne valent plus rien. Ils ne peuvent plus les utiliser comme hier pour faire le tri entre ceux qui vont bien, et ceux qui ne feront pas l’affaire. Prends-les pour ce qu’elles sont, les signes réguliers qu’on s’intéresse à toi, à ce que tu deviens. Tu ne le savais pas jusqu’ici mais ils sont bienveillants, finalement, ces profs que tu étais si sûre de détester. Ils répondent à nos lettres. Ils savent bien qu’on ne fera pas tout, que leurs programmes n’ont pas grand sens, qu’on a laissé tomber la physique-chimie, et la musique. Ils préfèrent ce qu’on fait à ce qu’on ne fait pas. Ils doivent se dire qu’on finit toujours par y arriver, avec le temps. Et puisqu’on a du temps… On dirait qu’ils ont changé, eux aussi.

Penses-tu comme moi que tu en as mieux appris en deux mois que depuis le début de l’année ? C’est aussi que tu ne perds plus de temps à te défendre contre ce qu’on te fait. Si on renversait le collège, tu pourrais travailler assise, par terre, vautrée, debout. Tu pourrais parler, te lever, te rasseoir, boire un verre d’eau, et reprendre. On pourrait étudier vingt minutes ou deux heures, ne faire que le français un jour, que l’anglais le lendemain. Ça te laisserait le temps de poursuivre ce que l’ennui et la liberté t’ont poussée à tenter. La couture de cette tunique, coupée dans un vieux wax. La cuisine, que tu expérimentes de si bonne volonté. La peinture et le dessin, avec les aquarelles qui étaient dans l’armoire. Les chorégraphies improvisées sur la terrasse. La lecture sans cesse recommencée des Cahiers d’Esther.

Je sais que les amies te manquent. Je sais combien elles comptent, et qu’elles sont la raison principale, sinon la seule, d’aimer la classe. Mais crois-tu vraiment qu’il faut se laisser enfermer dans une salle de cours pour bavarder ? Imagine des petits groupes, variables, guidés de loin par tes professeurs, qui travailleraient avec un adulte, dehors ou dedans, comme nous le faisons toutes les deux ces jours-ci. Imagine au moins que nous y réfléchissions tous ensemble, et que les adultes décident d’organiser leurs vies autrement pour accueillir les enfants, et les aider à grandir. Imagine que nous ne vous lâchions pas, aucun d’entre vous, que nous ne menacions pas sans arrêt de vous lâcher. Je pense que nous pourrions réussir à dégager l’ennui, la peur et l’échec de l’étude. Apprendre peut être une telle joie, tu ne penses pas ?

Serge Bloch, dessinateur des célèbres personnages de Max et Lili, auteur-dessinateur de SamSam, a été rédacteur en chef visuel du journal Astrapi et est dessinateur de presse pour différents quotidiens américains. Plusieurs fois récompensé pour son travail d’illustration, il reçoit notamment en 2005 la médaille d’or de la Society of Illustrators.

www.sergebloch.com

Journaliste et romancière, Marie Desplechin écrit pour les enfants comme pour les adultes. Elle est notamment l’auteure de la série Le Journal d’Aurore (éditions l’École des loisirs).

Pistes d’actions proposées par Alternatiba

  • Je promeus l’apprentissage tout au long de la vie, pour moi et pour les autres, sans jamais décréter qu’apprendre n’est plus possible.
  • Je m’engage pour la mixité sociale, culturelle et intergénérationnelle dans tous les domaines (habitat, écoles, quartiers, associations, etc.)
  • Je m’implique dans des associations culturelles, universités populaires, mouvements d’éducation populaire (CEMEA, Petits Débrouillards, amicales laïques, scoutisme…)