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Le secteur des transports représente, en France, la première source d’émissions de gaz à effet de serre. Imaginons que l’on décarbone nos transports en rendant la mobilité moins polluante et accessible à tou·tes et en limitant nos déplacements à ce qui est utile, nécessaire et désirable. C’est non seulement un enjeu climatique, mais aussi un enjeu social.

Texte – Olivier Razemon

Illustration – Kajika Aki

Et si, plutôt que de nous rassurer à coup d’utopies incertaines, nous observions objectivement des réalités enthousiasmantes ? En France, ces jours-ci, on ressort les vélos qui traînaient dans les caves et les garages. C’est le moment où jamais. À vélo, on conserve ses distances, on avance sans s’essouffler à un rythme régulier, on évolue librement, on active son corps engourdi par ces semaines d’immobilisation forcée. 

Profitons-en, de nombreuses collectivités ont annoncé l’aménagement de pistes cyclables temporaires, afin de sécuriser les cyclistes et de désengorger les transports en commun. Dans toute l’Europe, de Vienne à Barcelone, de Milan à Bruxelles, le vélo est une priorité, plus agile, moins volumineux, plus sûr que la voiture ou le scooter, et non polluant. En France, depuis les premières pistes provisoires créées à Montpellier et à Toulouse, des élus s’engagent : Grenoble, Lille, Lyon, Paris, mais aussi Arras, Saint-Prix (Val d’Oise), Houilles (Yvelines)… Tout va très vite.

Mais pour dépoussiérer et réparer les dizaines de millions de bicyclettes qui rouillent sans servir, il faut des spécialistes, fins connaisseurs de la mécanique. On recrute. Réparateur de vélo est un métier d’avenir, un métier concret, de proximité, non délocalisable. Le contraire d’un bullshit job interchangeable et surpayé. Partout, les ateliers de réparation, associations de quartier attirant des bénévoles déterminés, fourbissent leurs outils. La voici, cette économie sociale et solidaire dont on parle tant !

Cette crise phénoménale nous amène à repenser notre rapport à la distance et à la mobilité. Pourquoi travailler à des dizaines de kilomètres de chez soi, passer des heures dans des trains ou des bouchons, quand on peut se rendre utile dans sa commune, à dix minutes de marche ? Pourquoi s’approvisionner dans une grande surface anxiogène au lieu de faire vivre les commerces du coin de la rue ? Pourquoi multiplier les aller-retours en avion ou en TGV alors que la visioconférence a prouvé sa pertinence et qu’il y a tant à découvrir dans un rayon de cent kilomètres ?

Il faut encourager ces tendances vertueuses, empêcher le retour d’un monde d’avant fondé sur l’adoration de l’hypermobilité, le culte de la technologie, le déterminisme de la rocade, le dogme du désenclavement. Le transport collectif a sa place : un bus, même si un siège sur deux est condamné, transporte bien plus de monde que des voitures.

Plus encore que le télétravail, la démobilité doit primer : limiter les déplacements au nécessaire. Cela n’est possible qu’à condition de relocaliser les services, les commerces, les ressources numériques, dans les villes, les quartiers, les bourgs. Au lieu de demander à un promoteur coté en bourse de construire un hypermarché qui dispersera l’emploi dans un large périmètre, mieux vaut créer des liens entre habitants et producteurs locaux.

Modelée depuis toujours par la mobilité, la ville va changer. Aux métropoles tentaculaires et non désirables se substitueront des villes de taille raisonnable. Ce changement a commencé, ici, sous nos yeux. Ne laissons pas passer cette chance.

Réalisatrice, dessinatrice et auteure de bande dessinée, Kajika Aki et son trait doux, fin et précis n’a pas peur des grands formats et des foules de personnages, d’animaux et d’objets en tout genre. Son court-métrage Mom, réalisée seule en quelques mois, vient juste de sortir en ligne.

instagram.com/kajikaaki

Olivier Razemon est journaliste indépendant, travaille notamment pour Le Monde, sur les thèmes des villes et de la mobilité. Auteur du blog L’interconnexion n’est plus assurée, il a publié plusieurs livres, dont, en 2019, Chronique impatiente de la mobilité quotidienne, aux éditions Rue de l’Échiquier.
(photo par Maxime Massole)

lemonde.fr/blog/transports

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