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Délocalisations pour diminuer les coûts, augmentation de la précarité, casse du système des retraites, perte de sens : les travailleur·ses sont la variable d’ajustement d’un système qui fait passer les profits avant les vies. Imaginons qu’une métamorphose écologique et sociale, ainsi que des politiques volontaristes de reconversion, créent des millions d’emplois, justement rémunérés, valorisés, non délocalisables, au service de l’intérêt général.

Texte – Dominique Méda

Illustration 1 – Chloé Nicolay

Illustration 2 -Mali Karma

Et si la crise sanitaire que nous traversons nous permettait de rompre définitivement avec les dérégulations massives qu’a subies le monde du travail ces quarante dernières années ?

Depuis les années 1980, depuis que l’on nous a prétendument démontré que la politique keynésienne et le Welfare state n’étaient plus possibles à cause de la globalisation, depuis que le Consensus de Washington a remplacé le Consensus de Philadelphie – selon lequel la justice sociale et un régime de travail réellement humain sont la condition d’une paix durable –, les législations nationales du travail ont été mises en compétition les unes avec les autres et détricotées au nom de la compétitivité. Partout, le Code du travail et les normes internationales ont été dénoncés, les multinationales et les fonds d’investissement ont poussé à des délocalisations massives, les travailleurs de tous les pays ont été, dans les pays du Nord, poussés vers le chômage ou des emplois au rabais, dans les pays du Sud, employés dans des emplois mal protégés. Dans cette gigantesque course vers le bas, aucun travailleur n’a été gagnant.

La crise que nous traversons est un coup de semonce. Elle a révélé l’impasse que constitue l’actuelle division internationale du travail qui met de nombreux pays dans une dépendance insupportable. Elle a aussi mis en évidence le fossé qui existe entre l’utilité sociale, d’une part, et la hiérarchie actuelle du prestige, de la reconnaissance, et des rémunérations, d’autre part. Les métiers les plus utiles à la survie se sont révélés souvent les plus mal payés, les moins considérés. La prochaine crise pourrait être encore pire, avec son cortège d’incendies, de cyclones, de sécheresses qui détruiront des parties entières de notre appareil productif.

Dès aujourd’hui, nous devons concevoir de nouvelles politiques du travail et de l’emploi : la relocalisation de nos productions et un investissement massif dans la transition écologique devraient permettre d’organiser une certaine autosuffisance des régions et des territoires tout en étant très créateurs d’emplois utiles. En effet, la reconversion écologique de nos sociétés augmentera sans doute le volume de travail humain nécessaire. Il nous reviendra d’organiser celui-ci autrement, autour d’unités de plus petite taille, au fonctionnement beaucoup plus démocratique. Une telle refondation exigera de nouvelles normes internationales permettant d’éradiquer le dumping social et environnemental, une solidarité exemplaire de la part des pays riches avec les pays qui souffriront de ces relocalisations, la mise en place de politiques de sécurisation et de garantie de l’emploi permettant d’organiser les transferts d’emploi générés par les transitions, une revalorisation des emplois socialement utiles et un resserrement de l’échelle des revenus.

Un chantier gigantesque ? Mais n’est-ce pas plus enthousiasmant, notamment pour les plus jeunes qui n’ont d’autre horizon qu’un monde du travail de plus en plus insensé ?

Chloé Nicolay est illustratrice, réalisatrice et storyboardeuse pour le cinéma d’animation.
Elle est diplômée de l’École Estienne et de l’école des Gobelins et vit tranquillement à Montreuil, entourée de ses plantes et son chat.

chloenicolay.com

Dominique Méda est philosophe et professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine.
Son dernier ouvrage, Une autre voie est possible, en collaboration avec Eric Heyer et Pascal Lokiec, est édité par Flammarion.

Artiste militant basé à Berlin qui s’exprime à travers le rap et le graffiti. Auteur de l’hymne Plus chaud que le climat et membre de la première génération Alternatiba. Lyriciste incisif aux mille couleurs, en écoute libre sur

soundcloud.com/malikarma

“À la main” plaide pour la revalorisation d’un type de travail plus artisanal, où l’humain, sa dignité et son originalité est au centre. La recherche de douceur, finesse et précision dirigent son œuvre, il prend le temps et va parfois aux confins des impossibles imminents pour dépasser les injonctions de production machinales, sans âme.

Pistes d’actions proposées par Alternatiba

  • Je m’engage dans un des syndicats de mon entreprise pour défendre mes droits et ceux des autres travailleur·euses
  • Si l’utilité de mon travail ne me satisfait pas, je peux soutenir les organisations qui militent pour une reconversion juste de l’économie et un salaire de transition comme les Amis de la Terre
  • Je me mobilise contre la réforme des retraites avec Attac
  • Entrepreneur·se, j’envisage de transformer ma société en coopérative (SCOP, SCIC)